Médaillé de bronze au 400m T20: « Yo la fusée » fait vibrer le Stade de France et toute la nation mauricienne
Ce 2 septembre 2024 restera à jamais gravé dans l'histoire du sport mauricien. Sous les clameurs du Stade de France, Yovanni Philippe, 21 ans, a réussi ce qui était jusqu'ici impensable. Dans la finale du 400m T20 aux Jeux Paralympiques de Paris qui restera longtemps dans les mémoires, il a décroché une médaille de bronze historique, faisant vibrer le cœur de toute la nation mauricienne.
Lorsque le coup de feu a retenti, Yovanni, dans le couloir 9, semblait partir avec un désavantage. À 100 mètres de l'arrivée, il était encore dernier, et l'espoir d'une médaille paraissait s'évanouir. Mais c'est pendant douze secondes d’efforts que « Yo la fusée » a puisé dans ses réserves pour déployer une accélération fulgurante qui a laissé les spectateurs bouche bée.
« C'était comme si le temps s'était arrêté », raconte Hewlett Nelson, secrétaire de la Mauritius Paralympic Committee,présente dans les tribunes en compagnie des supporteurs, athlètes et accompagnateurs mauriciens. Maelly, une française qui agit comme guide pour le compte du comité d’organisation, raconte : « Nous avons vu Yovanni remonter un à un ses adversaires. C'était irréel, magique ! »
Connu pour son finish à couper le souffle, Yovanni a franchi la ligne d'arrivée en 48"30, à seulement 6 centièmes du médaillé d'argent espagnol et 21 centièmes de l'or. Derrière lui, des noms prestigieux comme le champion paralympique en titre Charles-Antoine Kouakou et les redoutables Brésiliens Samuel Oliveira et Daniel Tavare.
Talent pur, qui ne lâche jamais rien
Le chemin qui a mené Yovanni à ce podium n'a pas été sans obstacles. Né dans un quartier modeste de Port-Louis, il a dû surmonter non seulement son handicap, mais aussi le manque de moyens avant de bénéficier du dynamisme de groupe et l’encadrement mis en place par les dirigeants du MPC.
Le président du MPC, Jean Marie Malepa, était aux anges dans les tribunes du stade de France. « Quand nous avons découvert Yovanni, nous savions tous, avec l’entraîneur national Jean Marie Bhugeerathee, qu’il avait un potentiel énorme malgré la déficience dont il souffre » se souvient-il. « Nous avons vu en lui une détermination hors du commun. Il ne lâchait jamais rien », ajoute Hervé Runga, Chef de mission de la délégation mauricienne et trésorier du MPC, avant que Hurry Hookoom, assistant secrétaire, n’ajoute : « je me rappelle du bien que tout le monde disait de lui. Aujourd’hui, j’ai eu la confirmation en direct de la capacité et du talent de Yovanni »
Cette ténacité a payé en 2022, lorsque Yovanni a explosé sur la scène internationale en pulvérisant le record des championnats du monde en France. Ce fut le début d'une ascension fulgurante, faite de sacrifices quotidiens et d'un travail acharné au sein du groupe où figurent les valeurs sûres comme Noemi Alphone, Roberto Michel, Anaïs Angeline entre autres.
Lorsque Yovanni a franchi la ligne d'arrivée, c'est toute l'île Maurice et les médias qui ont exulté devant leurs écrans,inondant les réseaux sociaux de messages de félicitations et de remerciements pour avoir fait honneur au quadricolore mauricien.
« C'est plus qu'une médaille, » partage Hewlett Nelson, les larmes aux yeux. « C'est la preuve que nos jeunes peuvent atteindre les sommets mondiaux », estime celle qui a milité pendant plus de trois décennies pour que le handisport se développe et obtienne la reconnaissance qui lui est due. Jean Marie Bhugeerathee, qui a suivi ses traces, n’a pas les mots pour exprimer qu’il a ressenti lorsqu’il a vu Yovanni franchir la ligne d’arrivée : « Je n’ai pas de mots, je n’ai pas de mots pour exprimer ce que je ressens. Je dois attendre demain pour comprendre et imaginer ce qui nous arrive, sachant que nous avons d’autres athlètes aussi talentueux qui sont toujours en compétition ».
Cette médaille de bronze place en effet Yovanni au panthéon des plus grands sportifs mauriciens, aux côtés de Bruno Julie, l'unique médaillé olympique du pays. Elle rappelle aussi les exploits de Stéphan Buckland et Eric Milazar, qui avaient fait vibrer la nation mauricienne à travers leurs exploits sur les pistes d'athlétisme lors des mondiaux et des Jeux olympiques.
Savourer
l'instant présent
Alors que la cérémonie de remise des médailles s'achève, Yovanni Philippe se retrouve nez-à-nez avec nous dans les couloirs souterrains du stade de Francese. Le jeune athlète contemple sa médaille de bronze, la fait tourner entre ses doigts avec un mélange d'incrédulité et de fierté. L’accolade est automatique. Et il lâche : « mo mari fier mo finn réussi fer li ! ». Comme s'il avait besoin de se le confirmer. Dans ce moment de calme sous les regards des officiels de la compétitions, Yovanni, avec l’humour qui est le sien, ajoute « mo l'heure pou kozer-la... », sans réellement prendre la mesure de l'exploit qu'il venait d'accomplir, mais plus pour exprimer la fierté qu’il ressent au plus profond de son âme.
Pour lui, cette médaille est avant tout l'aboutissement de ses efforts personnels, d’enchaînement des heures d'entraînementet des sacrifices consentis depuis qu’il a rejoint la #paeateammoris. Il pense à sa famille, à ses entraîneurs, à tous ceux qui ont cru en lui. Mais l'ampleur de son impact sur toute une nation lui échappe encore. Il ignore – peut-être - que, pendant qu'il récupère de ses efforts, son exploit fait déjà le tour de l'île Maurice et enflamme les réseaux sociaux comme on n’en a jamais vu dans l’histoire du sport mauricien.
« Yo la fusée » est ce qui lui sied le mieux désormais.